Tout ce qui peut se planter se plantera. Anything that can go wrong will go wrong. C’est la loi de Murphy. Enfin… c’est l’adage qu’on connait sous le nom de Loi de Murphy.

L’anecdote autour de la loi est en soi intéressante. Le capitaine Murphy était impliqué dans un projet de recherche sur la résistance du corps humain à la décélération. Son assistant a monté des capteurs à l’envers, qui n’ont rien mesuré. Là, on peut l’imaginer en train de râler, sur le thème « Lui, quand il peut faire une connerie… ». Remettre l’anecdote dans le contexte de l’époque, Murphy c’est un nom irlandais, l’irlandais est aux USA et à l’époque la caricature de l’immigré maladroit et responsable de tout. Là, en fonction de votre âge, de vos origines géographiques, vous pouvez l’imaginer râler sur le thème « Ca, c’est vraiment du travail de… » – vous complétez avec ce que vous voulez, dans mon enfance, on parlait de « travail de béarnais ». Une pincée de pensée magique mâtinée d’un peu de xénophobie ne saurait nuire…

Pour faire court, quelque chose a cassé, on conjure le sort et on trouve une explication irrationnelle en émettant a posteriori une prophétie autoréalisatrice : le truc s’est cassé parce qu’il devait casser.

Ce qui est intéressant, c’est la conséquence de la loi de Murphy. Si on ne veut pas que ça casse, on va essayer de faire en sorte que ça ne casse pas. On va travailler dès la conception à faire en sorte que le bidule fonctionne correctement quand on l’utilise, la conception FailProof. Si en plus il peut ne pas se casser quand on fait une fausse manip, c’est la conception IdiotProof.

If you don’t want it to go wrong, be prepared.

C’est encore plus important en période de crise, quand on n’a souvent qu’une seule chance à tenter.

Le cas Camponovo : l’entreprise change radicalement d’activité

Camponovo est un maroquinier industriel. Sa gamme comporte plusieurs dizaines de sacoches à outils en cuir, chacune spécifique d’un métier particulier, diffusée à travers une série d’accords cadres. Ses produits ont la réputation d’être indestructibles, ils subissent la concurrence de produits à bas coût, en matière synthétique. Moins solides, plus adaptés aux usages actuels. Une première tentative de diversification vers la maroquinerie « civile » n’a pas porté ses fruits.

L’actionnaire de Camponovo nomme à sa tête un Dirigeant de Crise. Dans l’équipe qui se constitue pour l’entourer, Ron, un cadre intermédiaire, signale qu’il est pompier volontaire, qu’il a dessiné une boucle pour une ceinture spécifique, que le savoir faire de la société devrait lui permet de fabriquer cette ceinture sans gros investissements, et qu’il va y avoir un marché de renouvellement accessible, sous réserve de la certification de la ceinture. D’ailleurs Ron a acheté la norme applicable, et fabriqué un prototype, beaucoup plus simple d’utilisation et d’entretien que les produits concurrents.

C’est important, en période de crise, d’écouter les hommes et les femmes de l’entreprise. Ils sont généralement compétents, ils ont le savoir faire, ils sont les premiers intéressés à la survie de la société.

Quelques semaines plus tard, les premiers exemplaires de pré-production sont prêts. Ron s’est occupé du choix des composants, le reste de l’équipe des problèmes de process, de marquage, de gestion des lots. Le Dirigeant de Crise part à Grenoble faire tester la ceinture. La ceinture passe les différents tests de résistance mécanique. Elle échoue aux tests de résistance au feu.

Réunion de crise. A la fin du texte de la norme, réputé connu de toute l’équipe, il y a un renvoi à une autre norme, qui décrit les caractéristiques de résistance au feu que doit atteindre la ceinture. Ron, vexé d’avoir oublié que certaines des missions d’un pompier l’exposent au feu, s’occupe de faire ignifuger la ceinture. Les exemplaires reviennent. Le Dirigeant de Crise examine la fiche technique des produits utilisés. Convoque Ron. Le produit utilisé est soluble à l’eau.

La ceinture finalisée a été testée avec succès, elle a permis à Camponovo de devenir la meilleure alternative aux leaders du marché. Sur cette base, Camponovo a développé une gamme de produits de sécurité qui représente 60 % de son activité actuelle.

If you don’t want it to go wrong, be prepared.